Exil et littérature courtoise : un « mariage » heureux


Abstract


The theme of exile has recently been the subject of renewed interest among medieval specialists. The praxeology of exile can be analyzed from different perspectives. In theological language, the human condition itself is often assimilated to that of a homo viator, the pilgrim who constantly travels towards the ultimate homeland, after the expulsion from Eden and the weakening of his intellectual, moral, and physical capacities. The exiled abandon their world, a universe made of certainties and stable relationships, to venture into an unknown and perilous world. For these reasons, during the Middle Ages, long journeys were usually organized in groups. However, sometimes the solitude of "peregrinatio" could not be avoided. The idea of ​​exile always presupposes an antinomy between what is "external" and what is "internal," and naturally, everything related to the external has a negative valence. From the "external" world come all those people on the margins of society: outlaws, prostitutes, and infidels. Going against the norms of good society meant the expulsion from the "internal" to the "external" world, a spatial-temporal upheaval that brought the exiled closer to marginalized people. Medieval literature often addressed the theme of exile between the 12th and 14th centuries, where the experience of distance is a topos of French courtly literature. Several representative texts of the period address the theme: the masterpiece of Chrétien de Troyes, Erec et Enide, in which the male protagonist, thanks to exile and the quest for adventures, will regain measure, a fundamental element to still be considered a true knight. We find the same theme also in the dramatic exile of Tristan and Isolde, one of the most appreciated profane literary works of the 12th century, which, despite some "physiological" evolutions, continues to survive today. It is a work that has affected all Western civilization for sociological, literary, but also psychological reasons.

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Le thème de l’exil fait depuis un certain temps l’objet d’un intérêt renouvelé parmi les spécialistes du Moyen Âge. Le praxème exil peut être étudié et analysé depuis des angles différents suivant les diverses expériences intellectuelles de l’éloignement.

Dans le langage théologique, la condition humaine elle-même est souvent assimilée à celle de l’homo viator, le pèlerin qui voyage sans cesse vers la patrie ultime, après l’expulsion de l’Éden et l’affaiblissement de ses capacités intellectuelles, morales et physiques.

L’exilé abandonne son monde, un univers fait de certitudes et de relations stables, pour se lancer dans un monde inconnu et périlleux. C’est pour ces raisons qu’au Moyen Age on avait coutume d’organiser les longs déplacements en groupes.Mais, parfois, la solitude des "peregrinatio" ne pouvait pas être évitée et c’était souvent une des caractéristiques de l’exil qu’il soit volontaire ou forcé. L’idée d’exil présuppose toujours une antinomie entre ce qui est "externe" et ce qui est "interne" et naturellement tout ce qui se rattache au terme externe a une valence négative. Du monde "externe" relèvent toutes les personnes mise en marge par la société : les voleurs, les hors-la-loi, les prostitués et les infidèles. Aller contre les normes de la bonne société voulait signifier l’expulsion de "l’interne" vers "l’externe", c’était un bouleversement spatio-temporel qui rapprochait l’exilé des malfaiteurs et des personnes mises à l’écart.

La littérature du Moyen Âge a souvent donné attention au thème de l’exil entre le XIIe et le XIVe siècle, où l’expérience de l’éloignement est un topos de la littérature courtoise française.

Plusieurs textes représentatifs de l’époque abordent le thème de l’exil : le chef-d’œuvre de Chrétien de Troyes, Érec et Énide, dans lequel le protagoniste masculin, grâce à l’exil et à la quête d’aventures, retrouvera la mesure, élément fondamental pour pouvoir être encore considéré comme un vrai chevalier. Nous retrouvons le même thème aussi dans l’exil dramatique de Tristan et Iseut, l’une des œuvres littéraires profanes la plus appréciée du XIIe siècle, qui, malgré les évolutions « physiologiques », continue à vivre encore aujourd’hui : il s’agit, comme on le sait, d’une œuvre qui a une longue tradition et qui a affecté toute la civilisation occidentale pour des raisons sociologiques, littéraires, mais aussi psychologiques.

 


DOI Code: 10.1285/i22390359v56p317

Keywords: exile; solitude; expulsion; courtly literature; women.

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